V. La randomisation

Exercices 

Définitions :

  • Tirage au sort des patients permettant une répartition au hasard et aléatoire des patients dans deux ou plusieurs groupes.
  • Clause d’ignorance : L’investigateur ne doit pas pouvoir prédire, au moment où il décide ou non d’inclure un sujet dans l’étude, dans quel bras il va être randomisé. Sinon, l’inclusion des sujets dans l’essai risque d’être influencée par la conviction intime du médecin de l’efficacité de l’un ou l’autre traitement réellement efficace.

 

Objectifs :

  • Assurer la comparabilité a priori des deux groupes
  • Minimiser les biais de confusion: répartition équilibrée des facteurs de confusion potentiels (connus ou non)
  • Minimiser les biais de sélection (groupes homogènes)
  • Respecter les contraintes éthiques (tous les patients ont la même chance)
  • Interpréter correctement les tests d’hypothèse : H0 « pas de différence entre intervention et contrôle(s) » présuppose que seules les interventions différencient les groupes. On impute au traitement l’origine de la différence observée si H0 est rejetée.

 

Pour quel type d’étude ?

  • Pour la recherche biomédicale
  • Pour la recherche en soins courants
  • Interdite pour la recherche non interventionnelle

 

Quand faire la randomisation ?

Le plus tard possible, juste avant l’intervention pour éviter les perdus de vue entre la randomisation et le début de l’intervention.

rando

A qui transmettre la séquence ?

  • A personne, surtout pas aux investigateurs afin de maintenir l’aveugle.
  • Sauf à :
    • A celui qui attribue la randomisation
    • La pharmacie si besoin préparer des médicaments
    • Le centre antipoison

 

La période de « run-in »

  • Définition: période d’introduction située avant la randomisation pouvant durer quelques semaines. Les sujets peuvent recevoir ou pas un traitement ou un placebo.
  • Avantages:
    • Période de « wash-out » durant laquelle on veut obtenir des valeurs de références, non influencées par un traitement antérieur.
    • Augmentation de la puissance en sélectionnant certains sujets (sujets observants) et excluant d’autres sujets ( répondant au placebo…)
  • Inconvénients:
    • Surestimation de l’efficacité et de la tolérance de l’intervention

 

Rmq : l’essai croisé (cross-over) : le patient est son propre témoin. On randomise la séquence de traitements et non pas le traitement.

 

Comment savoir si la randomisation est de qualité ?

  • Décrite précisément
  • Réalisée au moment opportun
  • Génération aléatoire des séquences de randomisation (notamment par bloc avec taille variable, non connu des centres)
  • Assignation secrète (respect de la clause d’ignorance):
    • Centralisée, indépendamment des centre
    • Sur ordinateur
    • Enveloppes scellées, opaques
  • Médicaments préparés en pharmacie
  • Modalités adaptée à l’objet et la question, notamment :
    • Si multicentrique : stratifiée sur les centres
    • Si analyse en sous-groupe : stratifiée sur les facteurs de confusion

A. Génération de la méthode de randomisation

  • Méthodes :
    • Adaptées : aléatoire
      • Table des nombres aléatoires
      • Séquence informatique
    • Inadaptées : non aléatoire, basée sur une attitude décisionnelle systématique
      • Randomisation alternée (ABABAB…)
      • Basée sur les caractéristiques des sujets (date de naissance, initiale…)
      • Basée sur le jour d’inclusion

 

Nous allons exposer les principales méthodes de randomisation :

  • Simple:
    • Assignation aléatoire sur une simple séquence de nombre à l’un des groupes
    • Risque de déséquilibre (différence d’effectif > 20%)

 

  • Par bloc :
    • Principe :
      • Les sujets sont randomisés dans des blocs au fur et à mesure de l’allocation.
      • Un bloc est un sous-groupe de taille déterminée à l’avance à l’intérieur duquel on a une allocation aléatoire des patients.
      • La meilleure imprévisibilité est obtenue avec des blocs de taille variable définie aléatoirement avec permutation de séquence.
    • Avantage :
      • Limite les déséquilibres entre les groupes.
    • Inconvénient :
      • Risque d’anticipation de l’allocation par l’investigateur (pour les derniers du bloc) si l’essai est en ouvert. Il faut faire varier la taille des blocs.
    • Ex : ratio 2 :1 on met 2 sujets dans un groupe et 1 dans l’autre.

 

  • Stratifiée:
    • Intérêt : équilibrer les effectifs de chaque groupe vis à vis de certaines caractéristiques et ainsi de forcer la comparabilité des groupes pour ces caractéristiques
    • Attention à ne pas multiplier les strates : perte de puissance car diminution des effectifs
    • Avantage :
      • Répartition équilibe des traitements dans chacune des strates
      • Rendre les groupes comparables vis à vis du facteur de stratification
    • Inconvénient :
      • Le facteur de stratification est un risque facteur de confusion important (effet-centre, gravité…)

 

  • Par minimisation :
    • Principe : lors de l’inclusion du sujet, l’investigateur rentre les caractéristiques du sujet et un algorithme choisit le groupe du sujet pour minimiser les déséquilibres entre les groupes (et donc les biais).
    • Intérêt : on l’utilise parfois pour les essais incluant peu de sujets mais avec un nombre important de facteurs pronostiques, surtout en cancérologie.

 

  • En grappe (cluster) :
    • On randomise des groupes de patients homogènes quant à la question posée (ex: centre) et non les patients eux-même
    • Objectif: éviter la contamination entre les bras dans un même cluster (effet centre)
    • Ex: : la vaccination 95% d’un groupe permettra une protection de 100% du groupe

 

Avantages de la randomisation par bloc

  • Evite « l’effet cohorte »: il désigne les cas de populations étudiées ayant une caractéristique commune (généralement, un évènement commun vécu dans le passé de ces personnes) qui a un lien avec la maladie étudiée.
    • Ex : le trouble dépressif majeur étudié statistiquement par tranche d’âge, à un instant donné, par exemple en 2000, va constater un pic pour « les personnes de 50 à 60 ans ». Si l’on refait cette étude en 2010, elle ne donnera pas le même résultat, mais un pic pour « les personnes de 60 à 70 ans »
  • Evite « l’effet-temps » : lié au moment d’inclusion
    • Ex : inclusion de patient ayant une BPCO, les patients inclus en hiver ou en été ne seront pas exposés aux même risque de décompensation.

B. Assignation secrète

Définition : méthode empêchant la prédiction du groupe de randomisation des sujets.

Synonyme : clause d’ignorance, non divulgation de l’allocation, masquage de l’allocation.

En anglais : allocation concealment

En effet, si l’investigateur connaît le groupe de randomisation dans lequel va être inclus son patient, il risque d’être influencé dans sa décision.

Ex : Un sujet ayant une pathologie pourrait inciter l’investigateur à l’inclure dans le groupe traitement et pas dans le groupe placebo.

 

  • Méthodes de qualité :
    • Randomisation centralisée (site internet, fax, téléphone)
    • Enveloppes opaques et scellées
    • Médicaments préparés en pharmacie dans des containers identiques 

C. Vérification de la comparabilité initiale des groupes

Lorsque l’étude est randomisée, le tableau 1 résume les principales caractéristiques des groupes. Il faut s’assurer que les groupes sont globalement comparables.

La comparaison se fait à l’œil nu (« eye ball test »), c’est à dire sans test statistique.

 

A cause de la fluctuation d’échantillonnage, sur de faibles effectifs, il est possible d’observer des déséquilibres. Il faut s’assurer que ces déséquilibres aillent dans les 2 sens (le bras intervention et le bras témoin) et ne soient pas trop importants pour les principales variables (par exemple un facteur de confusion majeur).

Mais pourquoi ne fait-on pas de test statistique ? Vous le verrez plus loin, la réalisation d’un test statistique implique une marge d’erreur. Ainsi si on fait de nombreux tests statistiques, on risque d’avoir des tests faux. On appelle cela l’inflation du risque alpha.

 

NB : l’absence de différence majeure entre les groupes est un indice de qualité mais ne témoigne pas de la bonne qualité de la randomisation car les groupes peuvent différer sur certaines caractéristiques non renseignées dans l’essai.

Les groupes peuvent ne pas être comparables mêmes si la randomisation a été bien faite dans le cadre de petits effectifs à cause de la fluctuation d’échantillonnage.

D. S’assurer du maintien de la comparabilité durant l’essai

Grâce à la randomisation, les groupes sont comparables initialement.

Afin de s’assurer que la différence observée est due au traitement reçu, il faut s’assurer que les groupes restent comparables tout au long de l’essai. On utilisera 2 méthodes : le double aveugle et l’intention de traiter

1. Double aveugle

L’aveugle correspond à un état d’ignorance d’un des protagonistes de l’essai (participant, investigateur, statisticien)

Synonyme : insu

Anglais : blind

Les différentes méthodes d’aveugle :

  • Ouvert : le sujet connaît le traitement qu’il a reçu
    • Intérêt : pour des raisons éthiques (chirurgie) ou pragmatique (impossible de créer un placebo de l’intervention)
  • Simple aveugle : le sujet ne connaît pas son traitement
    • Intérêt : neutralisation de l’effet placebo ou nocebo
  • Double aveugle : + l’investigateur
    • Intérêt : + limitation du biais de mesure lié à la subjectivité de l’investigateur
  • Triple aveugle : + le statisticien

 

La méthode la plus utilisée est le double aveugle. Elle permet de maintenir la comparabilité des groupes tout au long du suivi.

Pour que l’essai soit en double aveugle, on utilisera :

  • Soit le placebo qui aura les mêmes caractéristiques que le traitement de référence (goût, aspect, forme)
  • Soit un double placebo lorsqu’on ne pourra pas créer de placebo adapté (par ex si on compare 2 modes d’administration tels que la voie per os ou injectable, ou qu’on arrive pas à créer un placebo suffisamment identique au traitement de référence). Les sujets vont recevoir :
    • Groupe intervention : nouveau traitement + placebo du traitement de référence
    • Groupe contrôle : placebo du nouveau traitement + traitement de référence.

 

NB : le terme double aveugle porte à confusion. Habituellement, il s’agit du médecin qui suit le sujet et le sujet, mais il faut mieux le préciser car les protagonistes en aveugle peuvent être :

  • Le sujet participant à l’étude
  • Le médecin qui suit le sujet
  • Celui qui mesure les variables : le patient lui-même (ex : la douleur), le médecin (ex : infarctus du myocarde), une personne extérieur (ex : psychologue pour le MMSE)
  • Le statisticien

2. L’analyse en intention de traiter

a. ITT

Définition : méthode qui consiste à analyser les données de tous les patients inclus, dans le groupe pour lequel ils ont été assigné /randomisé, même s’ils n’ont pas entièrement subi le protocole (changement de groupe en cours de traitement, perdus de vue, violation de protocole…). On les analyse comme ils auraient dû être traités et non comme ils ont été traités réellement.

C’est la méthode de référence dans les essais thérapeutiques (de supériorité).

 

Vérifier son respect dans l’article :

  • Dans le texte : il est annoncé dans la partie méthodologie, analyse statistique
  • Dans les tableaux/flow chart : le nombre de patients randomisés et analysés est identique dans chaque groupe.

 

Avantages :

  • Evite le biais d’attrition : différences entre les groupes initiaux et les groupes finaux, liés à des sorties d’essai ou des interruptions de traitement. Ne détruit pas la randomisation.
  • Evite le biais de sélection : maintien de la comparabilité
  • Pragmatique : se rapproche des conditions de la vie réelle (arrêt sur ES, écart du protocole…)
  • Puissance plus élevée

 

Stratégie de gestion des données manquantes :

Durant l’étude, un certain nombre de sujets vont sortir de l’étude. Parmi ces perdus de vue, certains vont avoir présenté l’événement étudié, d’autres non. Il faut développer une stratégie pour classer ces perdus de vue. Les principales méthodes sont :

  • L’imputation multiple : méthode statistique permettant de remplacer les données manquantes du critère de jugement en fonction des caractéristiques des perdus de vue.
  • La méthode du pire scénario (hypothèse du biais maximum) : on considère les données manquantes dans le bras interventionnel comme des échecs (non-répondeurs) et celles dans le bras contrôle comme des succès (répondeur). Bien que très robuste (moins sujette au risque de surestimer l’efficacité du traitement), cette méthode peu utilisée car trop stricte, il sera difficile de mettre en évidence une différence.
  • La méthode LOCF (Last Observation Carried Forward) : souvent utilisée mais peu recommandée, elle consiste à prendre la dernière valeur disponible du sujet juste avant qu’il ne sorte de l’étude.

 

ITT modifié :

En anglais: m-ITT, modified ITT

Cette méthode d’ITT ne prend pas en compte tous les patients. Plusieurs types sont possible suivant 5 principaux critères :

  • Le traitement : patients ayant reçu au moins 1 à 6 doses de traitement
  • L’évaluation initiale : inclusion de sujets ayant au moins 1 évaluation initiale
  • Critère d’entrée cible : sujets initialement randomisés mais postérieurement exclus car ils ne présentaient pas certains critères ou diagnostics spécifiques
  • L’évaluation post évaluation initiale : sujets ayant eu au moins 1 deuxième observation
  • Suivi : sujets ne s’étant pas présentés aux visites de suivi

 

b. Les méthodes alternatives à l’ITT

  • Per Protocole :
    • Définition : méthode ne prenant en compte que les patients ayant effectivement suivi tous les points du protocole, seuls les patients ayant reçu le traitement attribué lors de la randomisation sont analysés.
    • Avantage :
      • Meilleure estimation de l’effet propre du traitement
      • Donne des résultats plus favorables
    • Rmq:
      • Essai de non-infériorité : c’est la méthode de référence, elle renforce la stabilité des résultats après une analyse en ITT.
      • Étude de tolérance : permet de mieux mettre en évidence des effets secondaires
      • Le terme intention de traiter est parfois abusif. On l’utilise car la plupart des études sont des essais thérapeutiques. On peut aussi utiliser en intention de diagnostiquer pour les essais diagnostiques ou en intention de dépister pour les essais de dépistage.

 

  • « Traitement reçu» : les sujets sont analysés selon le traitement effectivement reçu, même s’il ne s’agit pas du traitement qui leur avait été attribué initialement par la randomisation
    • Avantage : augmente l’effectif de patients analysés.
    • Inconvénient : biais de sélection car la randomisation n’est plus respectée

VI. Administratif

En cours de rédaction

A.  Financement

B.  Calendrier

C.  Rédiger le protocole